Le prestigieux Riverbend Cycling Club (RCC) regroupe des gentleman d'Alma qui prennent plaisir à rouler ensemble, le vent de dos, en descendant les côtes. Ce blog a pour but de planifier et de commenter les sorties à vélo. Au-delà de l'anecdote, ces récits sont des leçons de courage et de vertu, mettant en scène des athlètes bedonnants et grisonnants qui embarrassent les routes sans aucune gêne...

lundi 19 mai 2008

Une légende locale

Alma-Roberval. 70 km. (28 k/h moy) 11 °C
par Ti-Red

J'ai mal dormi.
Au milieu de la nuit, j'ai été réveillé par des osties d'oiseaux qui hurlaient sous ma fenêtre. Je ne sais pas quelle sorte c'était -- des faucons ? -- mais ils criaient comme des singes. Peut-être que c'était effectivement des singes ? Avec le réchauffement climatique, on ne sait plus...
Pourtant, il ne fait pas chaud, encore une fois, pour aller rouler. Onze petits degrés sous un ciel menaçant. J'avais prévu monter à Roberval à vélo pour aller voir ma maman (puis retour en auto avec ma blonde) mais le temps me fait hésiter. C'était sans compter sur mon ami Patrice qui n'a jamais eu peur du mauvais temps, et qui accepte de m'accompagner jusqu'à Métabetchouan.
Malgré le temps frais et l'heure matinale, c'est étonnant le nombre de cyclistes que nous rencontrons sur la véloroute. Sauf que, une fois passé le club de golf de Saint-Gédéon, je ne reverrai plus personne jusqu'à Roberval. Le dernier cycliste que nous croisons est Régis Tremblay, le vrai, celui qui répare des vélos et vend des produits Rolmex. Fidèle à son habitude, Régis nous a salués sans ralentir, pour ensuite faire demi-tour et nous rattraper.
-- Où vous allez, les gars ?
Régis ne rate jamais une occasion de jaser. Il peut rouler du matin jusqu'au soir et radoter la même cassette toute la journée s'il rencontre des cyclistes qu'il juge intéressant.
-- Moi je vais à Roberval et Patrice fait demi-tour à Métabetchouan.
-- Je vais faire un bout avec vous. Je travaille à midi.

Durant plusieurs kilomètres, il est resté à l'arrière de Patrice et moi, sans cesser de parler du froid et du vent. J'ai tenté de faire diversion :
-- Tu as un nouveau vélo, Régis ?
-- Ouais.
-- L'aimes-tu ?
Quand je l'ai connu, il roulait sur un vieux Limonji -- toujours impeccable -- qu'il a fini par changer pour un affreux Giant noir en carbone profilé de style futuriste (le seul exemplaire que Giant a vendu). Il a ensuite trouvé un emploi de mécano chez Alma Bicycle et il a changé son Giant pour un Devinci CX. Et depuis son embauche l'hiver dernier chez Sport Expert, Régis roule sur un Louis Garneau (le seul exemplaire que Sport Expert a vendu).
-- Des vélos de ce prix-là, dit-il, c'est tout pareil. Moi, en tout cas, je fais pas de différence.
-- Moi non plus, dis-je, comme si je changeais de vélo tous les jours.
En sortant du Chemin du golf pour prendre le Rang des Iles, le vent nous frappe en plein visage. Un vent d'ouest de 25 km/h avec des rafales violentes à 35. Je voudrais bien maintenir une vitesse de 30 km/h mais je suis inconfortable: je diminue autour de 27-28 pour rester dans ma zone de confort. Devant l'Auberge des îles, au moment de donner le relais à Patrice, je vois Régis nous dépasser par la gauche pour s'installer à l'avant. Il augmente la vitesse doucement jusqu'à 35 puis il "cloue-ça-là" comme dit Roger.
Malgré les faux-plats, les coups de vent, les trous dans la chaussée, le rythme ne change pas. Il a pris sa vitesse de croisière et plus rien ne peut le distraire. Il va se taper le vent de face jusqu'à la sortie de Saint-Gédéon, mais pourrait continuer comme ça jusqu'à la fin des temps. Sa position est parfaite (photo). Rien ne bouge. Jamais aucun signe de faiblesse. Il sait exactement la vitesse maximale qu'il peut rouler pour nous impressionner, sans nous épuiser.
À part Pierre Lavoie que je connais seulement de réputation, Régis Tremblay est le meilleur athlète de la région, et croyez-moi je l'ai vécu comme disait Edouard Carpentier. Je me souviens d'avoir fait des sorties à 38 km/h de moyenne où il avait tiré tout seul durant 70 kilomètres. À l'époque, je portais une montre-cardio et ma moyenne cardiaque à l'arrivée était plus élevée dans sa roue que lorsque je roulais seul ou avec le peloton. Je l'ai vu une fois tiré à 40 km/h entre Alma et Héberville avec un gros vent de sud -- le même vent que mercredi dernier où le peloton roulait à 25. Quand il avait soudain décidé de me donner le relais, j'avais eu l'impression de littéralement frapper un mur. La vitesse avait diminué de moitié: de 40 à 20. Il avait repris le relais avec son petit sourire carnassier...
Parce que Régis aime soigner sa réputation et entretenir sa légende. Il sait que j'ai une grande gueule et que je vais répéter ses exploits à tout le monde. Et sa réputation lui sert à vendre des pilules Rolmex... Je l'ai déjà vu faire exprès de skier moins vite -- il est encore meilleur en ski de fond qu'en vélo -- pour faire croire à un nouveau client qu'il avait augmenté ses performances grâce à la spiruline qu'il venait de lui vendre.
En fait, plus je le connais, plus je pense qu'il n'est pas normal. C'est une sorte de surhomme. Un robot. Une machine. Un mutant. Ou peut-être une sorte de singe : celui qui hurlait sous ma fenêtre ?

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Bonjour à vous,
Félicitation pour votre blog, ma blonde prend un plaisir fou de vous lire cou après cou. Celle-ci connait quelqu`un d'entre vous (pour ne pas la nommer) et elle trouve ça drole. Cela peut peut-être remplacer certain médicament. Je suis d'accord avec vous concernant la disciplie du groupe. Continuer votre démarche. Un ami