Le prestigieux Riverbend Cycling Club (RCC) regroupe des gentleman d'Alma qui prennent plaisir à rouler ensemble, le vent de dos, en descendant les côtes. Ce blog a pour but de planifier et de commenter les sorties à vélo. Au-delà de l'anecdote, ces récits sont des leçons de courage et de vertu, mettant en scène des athlètes bedonnants et grisonnants qui embarrassent les routes sans aucune gêne...

jeudi 19 juin 2008

Un village de rednecks

Un édito de Ti-Red en colère

Je n'avais pas roulé depuis samedi, ce qui fait que j'étais un peu rouillé. On a beau dire que faire du vélo ne s'oublie pas, il n'en demeure pas moins que certaines habilités s'émoussent rapidement. Je m'en suis rendu compte en traversant l'étroite passerelle de fer sur le déversoir numéro 7. J'avais lâché mon guidon pour boire un peu d'eau et me gratter le dos avec mon antenne de cellulaire et, dans la courbe à la sortie du barrage, j'ai répandu quelques gouttes sur mon maillot. Heureusement, personne ne m'a vu...
Il faut dire aussi que ce sont les seules gouttes d'eau que j'ai reçues sur le dos alors qu'il pleuvait tout autour de moi. J'ai réussi l'exploit de rouler 60 kilomètre au sec en restant sur l'ile d'Alma, le seul endroit au Québec où il ne pleuvait pas. À mi-parcours, j'ai d'ailleurs reçu un coup de fil de notre mon'oncle des États, Yvon Fortin, qui a été pris dans un orage électrique à Saint-Gédéon. Il était tellement trempé qu'il a téléphoné à sa blonde pour qu'elle vienne le secourir.
Rouler sous l'orage, c'est déjà un calvaire, mais à Saint-Gédéon c'est dix fois pire. Il a dû se faire klaxonner des millions de fois. C'est comme une espèce de tradition dans le village. Même à 7 heures, en plein soleil, le dimanche matin, on se fait agresser et engueuler par les rednecks locaux (photo) qui sont particulièrement nombreux. J'ai l'impression que les motards du défunt club Les missiles, qui avait son quartier général à Saint-Gédéon, ont pondu beaucoup de petits missiles dans le coin...
C'est encore pire quand on roule seul. En peloton, on est beaucoup plus respecté. Je l'ai vécu encore samedi dernier, vers 18 heures, en revenant de Mashteuiatsh. Épuisé par le vent de face, j'ai décidé d'emprunter la Route du lac pour sauver dix kilomètres. C'est important de préciser que je roulais sur la ligne blanche, et quand je dis la ligne blanche, c'est la ligne blanche (pour un funambule, c'est une seconde nature). Je me suis fait frôler et klaxonner en sauvage au moins une dizaine de fois par des osties de Civic et autres faux-bolide-à-marde pilotées par des calotte-à-l'envers.
À la limite, je peux tolérer le coup de klaxon gêné d'un chauffeur du dimanche qui anticipe des dangers et qui veut nous prévenir. Mais je suis devenu allergique aux rednecks à calotte qui vont choisir sans hésiter d'écraser un cycliste plutôt que de ralentir cinq secondes pour le contourner.
Dans le cas de Saint-Gédéon, il faudrait que le maire ou le curé convoque une assemblée publique pour leur expliquer que la véloroute traverse le village ! Il pourrait leur expliquer aussi que les cyclistes, même s'ils sont parfois délinquants, sont surtout très vulnérables.
Évidemment, le cas de Saint-Gédéon n'est pas unique. J'ai même l'impression que de plus en plus d'automobilistes, et pas seulement les rednecks, sont intolérants envers les cyclistes. J'y vois entre autre un effet pervers des pistes cyclables. Les automobilistes perdent l'habitude de partager la route avec des vélos, et c'est encore plus vrai pour les jeunes.
Pourtant, avant l'aménagement de la véloroute, il était normal de rouler sur la Route du Lac, par exemple, pour se rendre à Saint-Gédéon. Parfois on s'y rendait en peloton de 40 -- avec le vent de côté, on prenait les deux voies -- et c'était rare qu'on nous klaxonnait. Et quand ça se produisait, la réaction du peloton était plus radicale.
On était plus jeune, plus fou...
On m'a raconté que, une fois, dans le rang St-Isodore, à Héberville, le peloton s'était fait écoeurer par une Camaro (l'ancêtre des Civic) qui a dû s'immobiliser un kilomètre plus loin, à cause de travaux routiers. Tous les cyclistes ont entouré la Camaro et les trois jeunes à l'intérieur n'en menaient pas large. Pendant qu'un cycliste vargeait à coups de pied dans le char, un autre a dégonflé les quatre pneus du véhicule qui est resté coincé-là... pendant que le peloton prenait le large.
C'était le bon temps...

COMMENTAIRE DE LUCKY LUKE

Mon cher ti-Red,
bien avant que je sois cycliste, alors que j'étais encore un adepte de la course à pieds, j'ai eu mailles à partir avec les rednecks.. ils me collaient le long de la chaussée en me demandant: aye le tapette, ousque tu vas avec tes chouclackes ?
Comme tu devines, avec mon caractère pacifique (et surtout dû au fait que je courrais seul) je les envoyais chier dans ma tête !!!!!
Quelques années plus tard, j'étais de passage au palais de justice d'Alma, je ne peux vraiment pas te dire à quelle occasion, et le procureur de la couronne local se payait la traite à contre-interroger un taupin redneck qui avait collé un groupe de cyclistes dont faisaient partie l'anglophone Phillip Mimeault et le mon'onc des États Yvon Fortin. J'assistai avec un plaisir difficile à contenir au prononcé du verdict de culpabilité du juge et au sermon qu'il servit au redneck-accusé. Il faut dire que le mon'onc des Etats avait témoigné de façon fort convaincante.
C'est alors que je me suis interrogé très sérieusement sur l'opportunité de troquer mes chouclackes pour un p'tit maudit kit de cycliste.
J'ai été initié dans ce beau sport par un ancien professionnel de mes amis, un certain Sphinx... et j'ai eu la chance d'être motivé par un futur écrivain célèbre d'Alma, qui ne payait vraiment pas de mine, avec ses cheveux rouges tout couettés et sa curieuse manie de faire du vélo habillé en arbre de Noël , en portant des bas d'habits dans ses souliers de vélo.
Comme tu vois, je n'ai pas été gâté pour mes débuts.
Toutefois, j'ai découvert ce qu'est la solidarité au contact d'une force brute, voir animale, en la personne de Big Mark.
La première fois qu'un redneck nous a collés, j'ai été le plus surpris du monde de constater que Big partait après lui, accompagné d'un vocabulaire eucharistique impressionnant, et qu'il est venu à deux doigts de le rattraper. À son retour dans le peloton, il me déclara:¨ Le jour où je vais en pogner un tabarnak, tu peux même pas t'imaginer pis lui non plus pis moi-même non plus, comment il va payer pour tous les autres.......
Ce philosophe m'a impressionné... comme l'avait fait Sergio Leone quelques années auparavant.
La même année, nous roulons au Vermont. C'était ma première expérience de la sorte au pays qui avait fabriqué les rednecks. Je descendais la côte de la montagne de Stowe avec le même philosophe qui était rapidement devenu mon ami. Une automobile nous colle sur le bord du ravin... Cette fois-là, Big Mark part de nouveau après, mais avec des conditions descendantes favorables, et il la rattrape avant la fin de la côte. Constatant qu'il s'agissait d'une jolie petite Vermontoise avec ses deux petits enfants... il réussit à écluser l'immondice d'obscénités qu'il s'apprêtait à lui asséner... il se laisse descendre jusqu'à moi et me dit un peu penaud: Je savais pas comment l'engueuler en anglais, la c......de t........de St-Cr..........
Morale: pour contrer les rednecks :
--On ne roule pas seul
--On s'assure de la présence d'un collègue capable de partir après eux le cas échéant
--Si on en a un par bonheur dans le peloton, on s'assure qu'il sera de nature à finir la job

Aucun commentaire: