Le prestigieux Riverbend Cycling Club (RCC) regroupe des gentleman d'Alma qui prennent plaisir à rouler ensemble, le vent de dos, en descendant les côtes. Ce blog a pour but de planifier et de commenter les sorties à vélo. Au-delà de l'anecdote, ces récits sont des leçons de courage et de vertu, mettant en scène des athlètes bedonnants et grisonnants qui embarrassent les routes sans aucune gêne...

lundi 28 avril 2008

Un ouragan et des faucons

Alma-Métabetchouan. 60 km. (28 moy) 11°C

par Ti-Red
Un vent d'est de 50 km/heure avec des rafales à 60 ! Comme dirait Mario Lemieux : c'est quelque chose...
Malgré le mauvais temps, André Ouellet n'avait pas le choix de rouler. Sans consulter la météo, il était monté à vélo à Roberval, la veille, pour aller dormir chez lui, et il devait redescendre à Alma aujourd'hui pour aller travailler.
J'ai décidé d'aller le rejoindre, même s'il fallait partir du mauvais côté... En fait, par tradition, les cyclistes évitent de rouler vers le lac Saint-Jean tant que les glaces ne sont pas calées -- ce qui se produit vers la mi-mai -- parce que le fond de l'air est beaucoup plus froid. Un phénomène que j'ai effectivement ressenti à mesure que j'approchais de Saint-Gédéon.
Je roulais entre 40 et 45 km/heure, facile, à l'aise, poussé par un gros vent de fou, en songeant à mon ami André qui, lui, devait lutter tout seul contre la nature déchaînée... Dans ma tête, j'essayais de calculer à quel endroit j'allais le rejoindre -- en tenant compte du vent et de l'heure du départ -- et c'est à cet instant précis que j'ai aperçu un magnifique faucon dans le ciel nuageux... L'oiseau de proie volait au-dessus du petit marais de la piste cyclable, entre Métabetchouan et Saint-Gédéon.
Il faut dire que ma passion pour les oiseaux est toute récente. Elle remonte à deux jours. C'est mon urologue préféré, Jean Robert, qui m'a donné ma première leçon d'ornithologie, samedi, au milieu du peloton. Il m'a montré un faucon qui volait au loin, très loin, dans un boisé près de Larouche... Candidement, j'ai avoué à Jean Robert que je ne connaissais rien aux oiseaux. Pour moi, tous les petits oiseaux sont des moineaux, et les plus gros des corneilles.
-- C'est facile, m'a-t-il expliqué. Si tu vois un oiseau gros comme une corneille, mais qui est brun au lieu d'être noir, c'est probablement un faucon...
Facile, en effet. Et c'est exactement ce que j'ai vu au-dessus du marais de Saint-Gédéon : une espèce de corneille qui n'était pas noire. Or, j'ai commencé à douter de mes talents d'ornithologue après avoir compté une trentaine de faucons pèlerins (les plus rares) entre le marais et Le Rigolet, deux kilomètres plus loin, où j'ai rejoint mon ami André qui s'était arrêté pour pisser...
Dire qu'il était fatigué est un euphémisme. Il luttait depuis une heure contre des bourrasques de vent glacial qui soufflaient jusqu'à 60 km/h... Il était tellement heureux de me voir qu'il m'a accueilli en Sauveur. Sauf que je ne pouvais pas faire grand chose pour lui, à part lui parler de l'invasion de faucons, ce qui a semblé l'ennuyer. Fatigué ou pas, il fallait continuer de pédaler jusqu'à Alma.
Les premiers kilomètres n'ont pas été trop pénibles. Nous étions relativement bien protégés du vent par la butte de la voie ferrée longeant la piste cyclable jusqu'à Saint-Gédéon. Les problèmes ont commencé après le village, sur la Route du Lac, où les champs sont directement exposés au vent de l'est. Si c'était à refaire, j'aurais emprunté la piste cyclable, même si elle était pleine de terres, de roches, de vitre, de clou, de glace, de neige et de marde...
Entre Saint-Gédéon et Alma, je n'osais pas regarder le compteur tellement les vélos n'avançaient pas. On pédalait en silence sur le petit plateau, avec des relais de plus en plus courts. Une heure plus tôt, sur le même chemin, je filais à 50 km/heure... alors que la moyenne était maintenant de 20 km (et quand je dis 20 km, je me vante...) À un moment donné, dans un faux plat, André est descendu sous les 15 km/heure en forçant comme un ours. Quand il a lâché le relais, j'ai trouvé la force de lui réciter la devise du club -- un vieux gag qui fait toujours son effet: "Le vent est mon ami... il nous endurcit..."
Il a souri.
J'ai repris le relais pour quelques mètres, les yeux fixés sur la voie ferrée en face de l'ancien entrepôt Molson. L'aventure achevait. En arrivant à la voie ferrée, j'espérais voir apparaître le train pour nous couper du vent. Au lieu de quoi j'ai aperçu un étrange oiseau qui se laissait porter par les courants.
-- Ah, non. Pas encore un ostie de faucon !
-- Quoi ? hurla André Ouellet, à bout de souffle.
-- Laisse faire...

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