Le prestigieux Riverbend Cycling Club (RCC) regroupe des gentleman d'Alma qui prennent plaisir à rouler ensemble, le vent de dos, en descendant les côtes. Ce blog a pour but de planifier et de commenter les sorties à vélo. Au-delà de l'anecdote, ces récits sont des leçons de courage et de vertu, mettant en scène des athlètes bedonnants et grisonnants qui embarrassent les routes sans aucune gêne...

samedi 2 août 2008

J'ai roulé sur Ocean Drive

par Ti-Red

J'ai roulé 4,500 kilomètres depuis le début de la saison, seulement 200 de moins que l'an dernier à pareille date. C'est quand même assez incroyable d'avoir roulé autant avec le temps qu'il fait. Jacques Brassard a de quoi se réjouir : depuis que les scientifiques dénoncent le réchauffement climatique, il n'a jamais fait aussi frette.
Cette saison, j'ai roulé une seule fois à plus de 30 degrés, et c'est dans l'état de New-York, jeudi dernier. Il faisait 95 degrés Fahrenheit comme on dit aux États-Unis où tout est big, même la température.
Ce sont les enfants qui voulaient aller quelques jours à New-York. J'avais apporté mon vélo au cas où, et l'occasion ne s'est présentée qu'une seule fois. Les deux premières journée, à Manhatan, l'idée de faire du vélo ne m'a jamais effleuré l'esprit. J'étais trop occupé à engueuler les enfants qui cherchaient à me ruiner en courant les boutiques. Mais la troisième journée, on s'est éloigné de la grande ville pour s'approcher de la mer. On s'est arrêté dans le petit village de Keansburg entre New-York et Atlantic City. Ma blonde et les enfants avaient hâte de se baigner dans l'océan, et moi j'ai eu l'idée d'aller rouler sur Ocean drive, une mignonne petite route qui longe la mer. (voir la carte)
En sortant le vélo de la valise de l'auto, j'ai réalisé que j'avais oublié mon cuissard, mon casque et mon maillot à l'hôtel. Ma blonde a tout de suite pensé que j'abandonnais mon projet et que j'irais me baigner avec la famille. C'était bien mal connaître la nature humaine. En fait, rien ne peut arrêter un homme qui est déterminé à fuir sa famille ! C'est d'ailleurs la question existentielle que se posent constamment tous les cyclistes, surtout quand ils roulent au froid ou sous la pluie : mais qu'est-ce que je fuis, ostie ?
À défaut de cuissard, j'ai enfilé mon maillot de bain Speedo brun foncé.
-- Tu vas pas rouler avec ça ? s'est interrogée ma blonde avec une moue de dégoût.
-- C'est pas pire que les triathlètes qui roulent en maillot en sortant de l'eau.
-- Un coup parti, tu devrais tracer des numéros au stylo-feutre sur tes cuisses. Ça ferait plus vrai. (photo)
Pas bête, comme idée, sauf que je n'avais pas de stylo. Je n'avais pas non plus de combinaison une pièce (onesuit) comme les triathlètes. J'ai même été obligé de garder ma chemise parce que mon fils, malgré les menaces, refusait de me prêter son t-shirt I love New-York (à 2$ du t-shirt à Manhattan, j'aurais dû en acheter une caisse).
Pour tout dire, quand j'ai vu mon reflet dans la vitre de l'auto, j'ai eu honte... Avec ma barbe de trois jours, mon Speedo brun et ma chemise orange, j'avais l'air d'un itinérant. Il faut dire, par contre, que je n'étais pas à Paris mais aux États-Unis et, comparé à la moyenne des américains, j'avais encore l'air d'une carte de mode. D'ailleurs, je n'ai pas vu un seul être vivant dans tout l'état qui pesait moins de 200 livres, les enfants et les chiens y compris.
Après avoir rempli mes deux bidons avec l'eau que j'avais apporté pour les enfants, je suis parti à l'aventure sur Ocean Drive, tête nue, cheveux au vent, la peau dégoulinant de crème solaire. Même si la route longe la côte, on voit rarement l'océan à cause des hôtels, des condos et autres résidences de millionnaires qui font paraître la maison de X-Large pour une niche. J'ai roulé 20 km en ligne droite -- et j'ai compté au moins 65 Dunkin's Donuts -- avant de retourner par le même chemin.
Durant tout le trajet, je n'ai aperçu qu'un seul cycliste, une femme d'une cinquantaine d'année que j'ai rattrapée. Elle roulait sur un Colnago de l'année, toute vêtue de blanc comme Mister Clean. J'ai pas eu le temps de bien évaluer mais, à vue de nez, son face lift et ses faux seins devaient valoir dans les vingt mille.
Elle a sursauté quand je l'ai doublé puis elle a décidé de me suivre mais en gardant ses distances. J'imagine que, par orgueil, elle ne voulait surtout pas se faire distancer par un clochard. Elle devait penser que j'arrêterais à la prochaine poubelle... J'ai tenté de lier connaissance :
-- You have a beautiful bike...
Elle a tourné à droite dans la première rue, complètement affolée.
Il faut dire que j'avais lâché mes guidons pour boire une gorgée d'eau et, avec ma main libre, je me massais le scrotum et les testicules, extrêmement irrités par le Speedo... Il faut dire aussi que, en posant les roues du vélo, j'avais un peu frôlé la chaîne, et les taches d'huile s'étaient mélangées à la sueur et la crème solaire. Bref, rien pour séduire les bourgeoises.
Tout ça pour dire qu'il ne faut jamais se fier aux apparences. La prochaine fois que j'aperçois un hurluberlu sur la véloroute, je vais me dire que c'est peut-être un journaliste du New-York Time en vacances, qui a oublié son cuissard à l'hôtel. Qui sait ?
Donc, à cause de mes couilles irritées, je suis retourné à l'auto plus vite que prévu, et j'ai fait croire à ma blonde et aux enfants que j'avais hâte de les retrouver. J'ai couru jusqu'à la plage pour sauter dans l'océan, et je suis ressorti aussi vite parce que l'eau était glaciale et remplie de méduses géantes (autre effet du réchauffement climatique).
En comptant la course jusqu'à la plage et ma baignade, on peut dire que j'ai fait une sorte de petit triathlon. Au fond, c'est pas si dur que ça. L'an prochain, je songe à m'inscrire à l'Ironman.


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